Depuis plus d’une vingtaine d’années, les ERP (Enterprise Resource Planning) ont connu un développement croissant dans tous les secteurs d’activités. Jusqu’au début des années 2000, ces systèmes de gestion étaient majoritairement réservés aux grands groupes industriels ou logistiques. Les projets étaient complexes, longs, coûteux et généralement hébergés localement. Leur objectif principal était d’obtenir une vision complète de l’activité de l’entreprise pour en faciliter le pilotage, en assurant une meilleure intégration des processus internes.
À partir des années 2010, on assiste à une transformation du marché : l’émergence du cloud et des solutions en mode SaaS a largement démocratisé l’accès aux ERP, en particulier pour les entreprises de taille intermédiaire. La plus grande modularité, la baisse des coûts d’infrastructure, ainsi que la réduction des délais de mise en œuvre, ont permis aux ETI d’envisager des projets ERP en adéquation avec leurs besoins et leurs moyens.
Depuis les années 2020, ce sont désormais les PME qui franchissent le pas. L’ERP devient une brique incontournable dans les projets de transformation digitale, même pour des secteurs historiquement peu technophiles. Il ne s’agit plus uniquement de centraliser les données ou de gérer l’activité comptable et financière, mais bien de structurer l’ensemble des processus métiers de manière uniformisée. Par ailleurs, l’ERP s’intègre de plus en plus facilement avec d’autres briques logicielles telles que les CRM, outils de BI ou encore les solutions e-commerce, ce qui permet de tirer profit plus rapidement de l’intégration des processus et données.
Cette évolution s’illustre également dans les chiffres (Données Eurostat). En 2023, 43,3 % des entreprises européennes utilisaient un ERP, contre 37,9 % en 2021. Pour les grandes entreprises, ce taux dépasse les 86 %, alors qu’il reste relativement faible (≈ 38 %) dans les petites structures. Côté marché, les données de « Grand View Research » estiment le marché mondial des ERP à 64,8 milliards de dollars en 2024, avec une projection à plus de 123 milliards d’ici 2030, soit un taux de croissance annuel moyen de 11,7 %. À titre de comparaison, en 2003, le marché mondial des ERP était estimé à 36 milliards de dollars, ce qui illustre l’accélération du marché au cours de cette période.
Les leaders du marché selon le Gartner MQ 2024 : SAP, Oracle, Microsoft et Workday, dominent le segment des ERP cloud, notamment dans les organisations complexes ou orientées services/produits. Mais les PME ont aujourd’hui des alternatives robustes et souvent moins coûteuses : Odoo, Sage Intacct, Acumatica ou Epicor, qui misent sur la modularité et une adoption plus rapide.
Relever les défis d’un projet ERP :
Mettre en place un ERP est une décision stratégique importante. C’est un choix qui peut transformer en profondeur l’entreprise, mais qui s’accompagne aussi de nombreux défis. Beaucoup d’organisations ont tendance à sous-estimer les difficultés qu’elles pourront rencontrer, car un projet ERP ne concerne pas seulement la technique. Il touche aussi l’organisation interne et la manière dont les équipes travaillent. Quels sont les cinq défis clés à anticiper avant de se lancer ?
1. Le défi de la personnalisation
C’est l’un des pièges les plus courants : croire que l’ERP va naturellement s’adapter aux processus existants de l’entreprise. Souvent, l’entreprise part avec l’idée que 80 à 90 % du logiciel correspondra aux besoins, et que seuls 10 à 20 % devront être adaptés. Dans la pratique, ce ratio est rarement respecté et s’avère bien souvent trop optimiste.
Chaque personnalisation entraîne des coûts supplémentaires. Plus on ajoute de développements spécifiques, plus la maintenance devient complexe, surtout avec un ERP en mode SaaS. À chaque mise à jour importante, il faudra vérifier que les éléments personnalisés continuent de fonctionner correctement, et parfois même revoir ou refaire certaines configurations.
Cela nécessite aussi dans certains cas, à recruter ou former des compétences techniques internes pour maintenir l’outil. On se retrouve alors avec un ERP de plus en plus complexe et coûteux, qui mobilise des ressources éloignées du cœur de métier de l’entreprise.
2. Le défi de l’intégration
Un ERP peut très bien fonctionner seul, mais sa véritable force réside dans sa capacité à mettre en relation l’ensemble des données circulant dans les différents logiciels de l’entreprise. Il devient alors le point central qui permet la communication avec l’APS, le PLM, le WMS, le SRM, le CRM, ou encore les solutions e-commerce et les marketplaces.
Le défi ne réside donc pas seulement dans le choix ou le nombre d’outils, mais surtout dans leur intégration. Pour y parvenir, il faut des API, des connecteurs ou des middlewares capables de faire dialoguer les systèmes. L’enjeu est que ces échanges soient fiables, rapides et automatisés, sans nécessiter d’interventions manuelles.
Beaucoup d’entreprises sous-estiment cette étape. Faute d’anticipation, les intégrations se transforment en casse-tête : délais rallongés, bugs à répétition, voire blocages dans les processus métiers.
3. Le défi de la gestion des données
La valeur d’un ERP dépend directement de la qualité des informations qu’on y intègre. Avant même de penser à la mise en production, il faut travailler sérieusement sur la préparation des données.
Cela commence par le nettoyage : supprimer les doublons, corriger les erreurs, écarter les données obsolètes.
Ensuite viennent la standardisation et l’uniformisation : Il faut s’assurer que les standards correspondront bien aux besoins de demain et que les formats soient cohérents pour chacune des entités utilisatrices (unités de mesure, codifications d’articles, identifiants clients, etc…). Cette étape déterminante est souvent sous-estimée car elle est fastidieuse et chronophage. Elle est régulièrement repoussée tout au long du projet, retardant ainsi les étapes suivantes.
Enfin, l’intégration des données nécessite plusieurs itérations de tests et de corrections. Si l’on injecte des informations incomplètes ou incohérentes, cela provoque des blocages dans les processus ou des erreurs qui pourront conduire à de mauvaises décisions. Plus ce travail de préparation est anticipé, plus l’intégration se fera de manière fluide.
4. Le défi des ressources
La mise en place d’un ERP demande de nombreuses ressources, que ce soit du temps, de l’argent ou des compétences humaines.
En interne, il faut mobiliser des collaborateurs qui connaissent bien les métiers, ce qui les éloignera temporairement de leurs tâches habituelles. Cela pourra nécessiter des ressources complémentaires pour apporter des renforts ponctuels. En parallèle, on devra faire appel à des consultants et des intégrateurs afin d’apporter les expertises métiers et solutions que l’on cherchera à mettre en œuvre au travers du projet.
Pour contenir l’impact budgétaire, certaines entreprises choisissent de limiter la durée du projet, sur la base d’un déroulement sans accroc. Mais vouloir aller trop vite se retourne souvent contre elles : mauvaise estimation des charges de travail sur le projet, multiples priorités des collaborateurs sur et hors projet, retards dus à ces arbitrages ou aux sous-effectifs… et finalement un dépassement de budget. Ce raccourci intègre rarement l’environnement dans lequel évolue l’entreprise car il n’est pas rare que d’autres projets se déroulent en parallèle. Ces derniers seront forcément impactés par ces retards et arbitrages, créant ainsi un effet boule de neige pour l’ensemble de l’entreprise.
5. Le défi de l’accompagnement au changement
Mettre en place un ERP n’est pas seulement « remplacer un logiciel » : c’est transformer en profondeur la façon de travailler. Cela impacte les processus et les habitudes des collaborateurs. Comme tout changement majeur, il peut susciter des inquiétudes et des résistances.
Pour réussir, il faut préparer et accompagner le changement dès le lancement du projet. Cela commence par la mobilisation au travers d’un sponsor solide, idéalement membre de la direction générale, capable de donner une impulsion claire et visible, et de la maintenir dans le temps.
La communication est tout aussi essentielle : ciblée, régulière et transparente, elle doit expliquer les objectifs, les bénéfices attendus et répondre aux interrogations des collaborateurs, sans les noyer sous les détails techniques. En parallèle, des “champions du changement” devront être mobilisés pour relayer les messages, rassurer les équipes et faciliter l’adoption au quotidien.
La formation joue également un rôle clé : préparer les super-utilisateurs avant, former les équipes pendant, et maintenir un accompagnement après la mise en place, sont autant d’étapes à ne pas survoler.
Enfin, plus les collaborateurs seront impliqués tôt, par exemple lors d’ateliers de conception, de la préparation des données, … plus ils s’approprieront l’outil et deviendront acteurs de la transformation, plutôt que de simples spectateurs.
Toutes ces actions se préparent, s’organisent et se déploient avec des spécialistes maîtrisant les outils et méthodes, et s’adaptant au cas particulier de chaque entreprise. C’est une part importante du projet qui nécessite une implication des RH de l’entreprise et un soutien de nombreux collaborateurs. Elle s’inscrit également dans un schéma plus global d’ajustement des organigrammes et des fiches de postes qui pourront être challengés au cours du projet.
